par Curtis E. Hinkle
Fondateur, OII
http://www.intersexualite.org/
L’ISNA (The Intersex Society of North America) prône non seulement la pathologisation de l’intersexuation mais marginalise également celles et ceux qui veulent célébrer la diversité au sein de notre communauté.
Voici bientôt huit ans que j’écoute et dialogue avec des personnes intersexuées à travers le monde. Presque tou(te)s se sentent exclu(e)s et à nouveau nié(e)s par le discours normatif et binaire de l’ISNA.
Ce qui suit sont des citations typiques qu’on trouve sur leur site. Elles sont en caractères gras:
"L'intersexuation est principalement un problème de stigmate et de trauma, pas de genre."
Nous sommes très loin de ce que des centaines de personnes intersexuées à travers le monde m’ont raconté en parlant de leurs vies, de leurs identités et de leurs problèmes. Selon elles/eux, les questions de genre sont plus importantes que beaucoup d'autres questions. Les stéréotypes et les préjugés qu’ils/elles doivent affronter tous les jours constituent un préjudice quotidien. Beaucoup d’entre-elles ont une identité intergenre et d’autres sont transgenres. Prétendre que les questions de genre ne sont pas un des problèmes majeurs des personnes intersexuées est un tour de passe-passe qui nous réduit encore une fois à des objets, des spécimens biologiques.
De cette manière, les auteur(e)s des articles sur le site de l’ISNA, dont la plupart sont des femmes et pas intersexuées, peuvent continuer un discours normatif basé sur nos corps et éviter d’écouter les personnes qui habitent ces corps.
"Tous les enfants doivent être assignés garçon ou fille, mais sans chirurgie."
Pourquoi ? Pourquoi doit-on encore aujourd’hui assigner le sexe masculin ou féminin à chaque enfant ? Même si la Loi dit que chaque enfant doit être juridiquement garçon ou fille, je crois que l'Etat ne devrait pas se baser sur une telle division des personnes, qu’elles soient «intersexuées» ou non, pour les enfermer dans un carcan identitaire inadapté. Si un enfant est dans l’incapacité d'exprimer son genre, pourquoi devrait-on accorder à quelqu’un d’autre le droit de le faire à sa place ?
Ce que l’ISNA recommande pour des enfants avec l'intersexuation.
( Titre d'article)
Selon ISNA, nous ne sommes pas des personnes intersexuées mais simplement des hommes et des femmes "avec l’intersexuation". Pour beaucoup d'entre nous, c'est très offensant. L'Intersexuation n'est pas une pathologie comme pourrait l’être le diabète. Nous sommes intersexué-e-s, c’est notre identité.
D'autres exemples:
- des Enfants avec l’ intersexuation
- des Enfants et des adultes avec l’ intersexuation
- des Nouveau-nés avec l’ intersexuation
- Nous avons réuni un groupe d'experts, incluant des professionnels de Santé, un adulte avec l’ intersexuation ainsi qu’un parent pour débattre de ces questions.
"Est-ce que l’ISNA pense que les enfants avec l’ intersexuation doivent être élevés sans un genre, ou dans un troisième genre ?"
( Titre d'un article)
L’auteure, Alice Dreger, explique qu’il n’existe rien en dehors des deux genres normatifs (garçon ou fille). Beaucoup d'entre nous ne sont pas d'accord. Au lieu d’effacer ainsi l’identité de beaucoup de personnes intersexuées, pourquoi ne pas dire clairement que ce point de vue binaire est incompatible avec la notion de représentativité dont cette personne et l’ISNA se prévalent ? La plupart des personnes intersexuées que je connais trouvent cela pour le moins bizarre pour un groupe qui prétend nous représenter.
"Deuxièmement, le plus important pour nous est d’essayer de créer un monde où les enfants avec l’ intersexuation peuvent vivre en sécurité. Leur donner une étiquette de genre inexistante ne va pas les aider. (Duh, huh) ? »
Quelle arrogance! Alice Dreger, qui n'est pas intersexuée, et qui parle pour nous, mais ne nous écoute pas, nous dit que notre genre n'existe pas par "essence" et finit cette déclaration invisibilisante sur une intonation très offensante en anglais "Duh" – un petit mot qu’on utilise en anglais pour souligner la stupidité d’une telle idée. Eh bien, moi, je souhaiterais lui demander sa définition de n’importe quel sexe ou genre par « essence », incluant tous les membres de cette catégorie. Le sexe ou le genre féminin sont-ils des catégories par « essence » ? Une femme n’ayant pas d’utérus est-elle, pour Madame Dreger, une femme… ou une autre « chose » sans identité ? Pourquoi ne pas permettre aux personnes concernées de décider de leur identité, de ce qui est « essentiel » pour elles ?
Elle est libre d’être une femme mais est à l’évidence incapable de comprendre notre nature profonde. Je ne lui en veux pas mais est-ce que les autres, ceux qui ne répondent pas au « coefficient normatif » où ne veulent pas se soumettre au diktat sexiste, ne devraient pas avoir ce même choix ? Avant de parler pour les personnes intersexuées, il faut nous écouter et comprendre que beaucoup d’entre nous ne vont pas dire tout haut ce que nous pensons tout bas. Nous avons été endoctriné(e)s par un système sexiste toujours prédominant où les personnes ayant voix au chapitre sont étrangères au sujet. Dieu ait pitié de nous, nous sommes entre les mains des experts !
Mais est-ce que tout cela ne manque pas tout simplement d’humanité ? Nous avons appris et continuons d’apprendre dans la douleur que dire qu’on ne se sent pas fille ou garçon a souvent des conséquences graves sur nos vies de tous les jours. Un pesant silence nous est imposé tout au long de notre vie car le pouvoir des fumistes « qui savent ce qui est bon pour nous » est écrasant. Comment ne pas trouver tragique la contemplation d’une organisation censée venir en aide aux personnes intersexuées qui adopte les mêmes méthode dictatoriales ? La négation de nos vies nous condamne à l’invisibilité.
La Société des Intersexués d'Amérique du Nord (ISNA) est la première source pour les personnes cherchant des informations et des conseils sur l’anatomie reproductrice atypique et les Désordres de Différentiation Sexuelle (DDS).
Eh voilà, l’ISNA a décidé de changer le nom de la pathologie, comme si cette savante modification allait changer quelque chose dans les faits. Et en plus ISNA prétend ne pas jouer un jeu sémantique.
On lit ce qui suit sur leur site dans leur définition pour l’intersexuation:
"Plutôt que d’essayer de jouer un jeu sémantique qui ne finit jamais, nous à ISNA nous prenons une approche pragmatique concernant la question de qui compte comme personne intersexuée."
La négation de l'identité des personnes intersexuées n’est pas un jeu. Cela a souvent de graves conséquences que l’ISNA devra un jour assumer.
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